Tract du Bureau d’hygiène de Lyon sur la démoustication – 1948
Ce document est signé du Directeur du Bureau d’hygiène de Lyon, afin d’être diffusé auprès de la population en 1948. La presse écrite est sollicitée par le Directeur pour relayer ces informations. Cette communication s’inscrit dans la tradition d’une vulgarisation des connaissances médicales auprès de la population, qui imprégnait déjà l’action des hygiénistes au cours de l’entre-deux-guerres. Ces démarches contribuent à la banalisation des opérations de lutte contre les moustiques, y compris sous sa forme chimique. Ces procédures participent aussi à l’accommodement de la population à l’usage de substances toxiques, puisqu’en 1948, le Bureau d’hygiène peut inciter les habitants de la ville de Lyon à acquérir des doses de produits chimiques (du DDT notamment) afin d’administrer eux-mêmes le traitement pour éliminer les gîtes larvaires.
Source du document: Archives municipales de Lyon, 1148WP2.
Note de présentation du document : Renaud Bécot
Sur la lutte anti moustiques
Le Français aime, dit-on, savoir le pourquoi des choses : aussi pour que la population lyonnaise comprenne bien les raisons qui ont imposé la méthode de lutte préconisée contre les moustiques, il est utile de préciser certains points.
Le moustique urbain. le moustique qui, à Lyon, pique la nuit dans les appartements, est à peu près exclusivement le culex pipiens autogène, ou moustique urbain. D’autres espèces existent à Lyon, surtout dans la périphérie de la ville (culex rural, culex des jardins, anophèles, aedes, etc), mais, ou bien elles ne piquent pas l’homme, ou bien elles le piquent de jour ou à l’extérieur des habitations.
Reproduction du moustique urbain. Le moustique urbain se reproduit en pondant ses œufs dans les fosses d’aisances renfermant une grande quantité d’eau, en premier lieu les fosses recevant des chasses d’eau, qu’elles soient ou non compartimentées, qu’elles soient ou non branchées à l’égout.
Influence de la température sur la reproduction. Le moustique urbain est très influencé par la température extérieure : par temps froid, il ne se reproduit pas, sauf si la température de la fosse et des appartements est relativement élevée ce qui est le cas pour certains immeubles possédant le chauffage central dont la chaudière se trouve dans les sous-sols près de la fosse.
Cycle de reproduction. Dès que la température l’élève, les œufs éclosent, donnent naissance à des larves qui se transforment en nymphes qui donnent l’insecte. La durée de l’’évolution entre la pointe et l’insecte varie selon la température, de 25 à 30 jours au printemps, de 8 à 10 jours pendant les fortes chaleurs. C’est e qui explique que les déversements d’insecticide doivent être répétés plus fréquemment en plein été qu’au printemps ou à l’automne.
Les fosses d’aisances. Beaucoup de personnes sont persuadés que leurs WC sont branchés directement à l’égout : dans la plupart des cas, elles commettent une erreur : c’st leur fosse et non leur WC qui est branchée, et c’est pour cette raison, justement, qu’elles souffrent de la présence de moustiques. Là où il y a le tout à l’égout direct sans l’intermédiaire de la fosse, il n’y a pas de moustiques ; mais si les habitants d’un immeuble voient des moustiques, c’est que cet immeuble possède une fosse.
La lutte contre les moustiques urbains. La lutte antimoustiques à Lyon n’est menée que contre le moustique urbain ; elle s’attaque à la larve vivant dans les fosses et a pour but de la détruire en vue d’éviter la production des nymphes et l’éclosion des insectes.
Elle est sans effet, contre les autres espèces de moustiques, d’ailleurs rares dans l’agglomération, qui se reproduisent ailleurs que dans les fosses.
Méthode employée pour les fosses branchées à l’égout. La lutte consiste à déverser, à des intervalles variables selon la saison et les circonstances particulières, un produit qui soit larvicide à très petite dose et qui ne soit pas microbicide afin de ne pas entraver l’action des microbes liquéfiants qui permettent le fonctionnement des fosses septiques.
Les nouveaux insecticides de synthèse : DDT et HCH remplissent ces conditions ; d’après les essais effectués dans les laboratoires du professeur Roman et du Bureau d’hygiène, les larves de moustiques sont tuées en quelques heures ou quelques jours avec des doses de l’ordre de 15.000.000 à 1/700.000.000 de DDT. Pour le HCH, il faut des doses de 3 à 4 fois plus faibles (…).
Autres insecticides ou antiseptiques. Par contre, il est nuisible au bon fonctionnement des fosses de verser dans les WC dans un but insecticide ou simplement de propreté, d’autres produits tels que eau de javel, fumant, alcali, etc, même des eaux savonneuses. Il est recommandé de s’abstenir.
Mode d’emploi du DDT et de l’HCH. Le produit choisi est simplement versé dans la cuvette des WC et entraine dans la fosse par une chasse ou un broc d’eau. Il suffit qu’il se répande dans toute la fosse, ce qui est facile si celle-ci est implse ; si elle est compartimentée, il faut que le produit se mélange, soit sous forme d’émulsion, présente à ce point de vue des avantages certains ; il permet de doser au départ à la concentration voulue. Mais les émulsions sont introuvables actuellement et sont très chères. Le produit en poudre semble théoriquement moins efficace ; étant très peu soluble dans l’eau, on ne peut, quelle que soit la quantité employée au départ, dépasser le taux de solubilité qui semble ne pas être supérieur à 1/50/000 pour le DDT et 1/500.000 pour le HCH. Néanmoins, dans la pratique, les résultats obtenus avec la poudre sont très satisfaisants.
Doses à employer. Dans un immeuble à plusieurs locataires, il suffit que chaque locataire verse 2 cuillerées à café de poudre à base de DDT ou 2 cuillerées à soupe à base de HCH. Dans les immeubles à un ou deux locataires seulement, il faut doubler ou triper la dose.
Rythme des opérations. De l’eau étant déversée chaque jour dans les fosses et une quantité égale partant à l’égout, le taux du produit diminue chaque jour et devient plus ou moins rapidement insuffisant pour détruire les larves. Aussi est il nécessaire de remettre de l’insecticide avant que les larves n’aient pu donner naissance à des insectes et de mettre au départ une quantité supérieur à celle qui est nécessaire et suffisante.
L’idéal serait de déverser une petite quantité du produit choisi toutes les semaines. Pour des raisons économiques, cette méthode n’est pas possible pour un service public : seuls les particuliers pourraient l’appliquer. Le service municipal emploie des doses plus fortes et des intervalles plus grands entre les opérations.
Causes d’insuccès. Quelques insuccès ont été constatés en 1947. La plupart étaient dus au fait que certains des immeubles possédaient plusieurs fosses et qu’une seule était traitée. Dans d’autres cas, les traitements ont été exécutés avec un retard du au manque de personnel.
Mais d’autres échecs étaient dus soit au fait que certaines fosses reçoivent des quantités d’eau trop importantes, soit parce que salles de bains, des éviers, parfois des eaux de pluie sont branchés sur ces fosses diluent trop rapidement l’insecticide. Le même inconvénient s’observe quand il existe des fuites sur des appareils de chasse.
dans tous les cas, il serait nécessaire que les habitants de ces immeubles ajoutent, même dans les quartiers traités par le service municipal, une petite quantité d’insecticide tous les 15 jours.
Fosses fixes vidangeables. Ce qui vient d’être dit concerne les fosses branchées à l’égout, c’est-à-dire celles qui ne se vidangent pas.
Si vous avez une fosse fixe qui se vidange, il suffira de verser la même dose de produit, dans le courant du mois d’avril, ensuite tous les 2 mois, et en cas de vidange de la fosse, dans la semaine qui suit cette vidange.
Concours à apporter par la population. Un service public ne pouvant pratiquement pas atteindre de suite toutes les fosses, il est nécessaire pour que toutes celles-ci soient atteintes, que, dès le printemps (15 mars), tous les occupants d’appartement, bureaux, ateliers, usines dépôts, etc. versent dans chaque WC la dose indiquée et répètent l’opération vers le milieu d’avril, ensuite tous les 15 jours jusqu’à fin octobre. Si les Lyonnais sont décidés à se débarrasser des moustiques et suivent ponctuellement les instructions qui seront données par la Presse, dès cette année, ces insectes disparaîtront de Lyon. Il suffira pour les années suivantes, en attendant le branchement direct de tous les WC à l’égout et la disparition des fosses, de pratiquer 3 ou 4 traitements annuels à titre préventif.
Ce résultat sera obtenu avec une dépense minime pour chaque habitant, très inférieure à celle que beaucoup d’entre eux consacrent inutilement ou presque à l’achat de produits fumigènes ou à pulvériser.
Départ en vacances. Enfin dernière recommandation, il est nécessaire que les personnes partant en vacances, l’été, pour plus de 15 jours, versent dans leurs WC double dose d’insecticide 2 ou 3 jours avant leur départ.
Dr Poulain, Directeur du Bureau d’hygiène.