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« Villa urbana », aux origines de « l’affaire de la Feyssine » (1988-1990)

« L’affaire de la Feyssine » laisse apparaître plusieurs temps de mobilisation, tout d’abord, à Villeurbanne, autour d’une opposition menée par des militants écologistes. L’association Vivre Vert Villeurbanne (VVV), créée en 1983 et mobilisée dans un premier temps dans la lutte antinucléaire, se saisit de la question du devenir des espaces naturels de la Feyssine en développant un argumentaire d’opposition au projet de Charles Hernu. Dans le contexte de la fin des années 1980 et de l’échéance électorale municipale de 1989, les projets d’aménagement de la rive gauche du Rhône à Villeurbanne constituent ainsi un premier moment d’investissement politique local pour le tissu militant écologiste villeurbannais. Au sein de l’association VVV, si l’opposition au projet « Villa urbana » retient un consensus assez clair, la question du rôle et de la place du militantisme écologiste interroge : certains membres critiquent l’investissement sur la scène politique de militants et leur volonté d’y voir un tremplin pour faire carrière ; ils préfèrent distinguer clairement l’action militante et l’action politique, se tournant résolument vers la première. Sylvie Ollitrault a largement décrit ces divisions au sein des mouvements écologistes : ces points conflictuels entre les diverses définitions de l’écologie politique qui se dessinent particulièrement au cours des années 1980 et 1990 marquent dans le même temps, un contexte des premières percées électorales des écologistes en France et dans de nombreux autres pays européens.

 

La critique soulevée par les écologistes villeurbannais est reprise par certains habitants de quartiers du nord de Villeurbanne, en particulier ceux réunis au sein du comité des habitants de Croix-Luizet. Ils mettent en avant le sentiment d’une forme de dépossession du territoire par un projet d' »envergure communautaire » qui implique la ville de Lyon. Les tensions entre Lyon et Villeurbanne ne sont, certes, pas nouvelles et s’inscrivent dans une forme de méfiance de la part des villeurbannais de se voir réduit à intégrer un espace urbain défini et planifié du point de vue lyonnais. Outre ces tensions, la critique permet de poser la question des usages différenciés de la ville : « tous ces vastes projets ne tiennent absolument pas compte des vœux prononcés par les villeurbannais de souche (pas ceux qui se font construire des villas dans l’ouest lyonnais) désirant conserver à Villeurbanne son caractère spécifique de petite cité aérée » (extrait d’une lettre d’information du comité des habitants de Croix-Luizet, Novembre 1989).

 

En mai 1989, le journal le Progrès évoque le projet « Villa urbana » comme un « grand projet » naissant. Il doit s’inscrire dans le prolongement des travaux en cours sur le quai Achille-Lignon lancés au début des années 1980 pour la construction de la Cité internationale. Il s’agit quartier moderne structuré autour d’un centre de congrès destiné à faire rayonner Lyon à l’échelle européenne et internationale en la dotant d’équipements permettant d’accueillir des événements importants. « Villa urbana » doit jouer un rôle similaire à Villeurbanne et prolonger ainsi presque naturellement l’opération de la Cité internationale. Ainsi, le Progrès relaie ce projet d’envergure qui doit donner une nouvelle vie à « une zone vierge en plein centre de l’agglomération » qui nécessite de « récupérer 70 hectares sur le Rhône » (extrait du journal Le Progrès du 11 mai 1989).

 

Fig. 2 – Carte de localisation des 70 hectares mobilisés pour la réalisation de « Villa urbana » (AM Villeurbanne, 28Z3, 1989)

 

Le début de l’année 1990 est marquée par la mort soudaine de Charles Hernu, le 17 janvier. Elle remet en question la concrétisation des premiers plans établis pour la construction du futur technopôle « Villa urbana ». C’est Nathalie Gautier, adjointe à l’urbanisme et intégrée au conseil de direction de la SOVAPOR à sa création, qui porte alors l’héritage du projet de Charles Hernu. Si les écologistes villeurbannais ne sont pas unanimes quant aux orientations politiques et à la personnalité de Charles Hernu, son « héritière » à Villeurbanne semble d’autant moins faire consensus.

 

Au début des années 1990, alors que le projet « Villa urbana » perd son premier promoteur, l’annonce du tracé définitif du périphérique nord lyonnais retenu par la Communauté urbaine de Lyon (COURLY) soulève un nouveau motif d’opposition de la part des militants écologistes villeurbannais. En effet, celui-ci doit rejoindre l’autoroute A46 précisément au niveau du quartier de la Feyssine. Si le projet « Villa urbana » ne mettait pas directement en péril le lieu de vie de plusieurs dizaines d’habitants de la Feyssine, le tracé du périphérique nord suppose une série d’expropriations.