Intermède – Boucler le périphérique lyonnais
En 1976, la définition du Schéma directeur d’aménagement urbain (SDAU) de l’agglomération lyonnaise avance plusieurs points décisifs pour comprendre les politiques d’aménagement des infrastructures routières au cours de la seconde moitié du XXe siècle. En effet, celui-ci met notamment en avant l’idée d’offrir les outils et investissements nécessaires pour permettre à l’agglomération lyonnaise d’accéder à la fonction de métropole régionale, entendu à la fois à l’échelle nationale mais aussi européenne. Dans un document diffusé en mai 1990, la COURLY insiste sur cette dimension en rappelant « la position remarquable de Lyon en Europe […] à l’intersection de deux axes de développement de l’Europe du fur : l’axe Londres, Paris, Milan et l’axe Espagne, Suisse, Italie du Nord, via Genève » (Archives Grand Lyon, 2336W001). En ce sens, l’objectif de bouclage du périphérique lyonnais apparaît comme une priorité et un enjeu politique majeur, du fait des multiples tensions qui entourent un projet qui n’est certainement pas nouveau au milieu des années 1980, alors que se précise le tracé du tronçon nord du périphérique.
Sébastien Gardon a largement étudié la genèse des grands projets d’aménagements routiers à Lyon du XXe siècle : il faut remonter aux années 1920 pour trouver les premiers éléments d’une politique globale de construction d’infrastructures routières. Bien que le nombre de véhicules s’avère encore relativement peu important dans la seconde décennie du XXe siècle, les problèmes de circulation sont déjà nombreux et posent une véritable question politique pour la municipalité. D’après ses recherches, les premiers projets de développement d’autoroutes à partir des années 1960, pour ce qui concerne la région lyonnaise, héritent très largement des conceptions posées dans les années 1920. Il propose de voir là, non pas seulement un choix politique particulièrement affirmé, mais davantage une logique que l’on qualifie de « dépendance au sentier » : cette notion décrit l’idée que les investissements consentis et les aménagements réalisés dans le passé prennent un poids trop important qui en vient à réduire la marge de manœuvre possible dans le futur. Ainsi, les années 1920, l’idée de doter Lyon d’un boulevard de ceinture, dans l’optique de se conformer à tous les modèles développés depuis la fin du XIXe siècle (boulevard périphérique parisien, ring viennois, etc.) par les grandes capitales européennes, apparaît comme un enjeu qui dépasse les seules considérations de politique d’aménagement du territoire mais entre véritablement dans celles des questions d’images et du potentiel rayonnement de la métropole lyonnaise.
Fig. 3 – Plan de situation du carrefour lyonnais à l’échelle européenne (Archives Grand Lyon, 2336W001)
Dans le même document de mai 1990, outre le discours avancé, les éléments d’illustration et les schémas décrivant le futur périphérique lyonnais donnent à voir l’idée prégnante d’un bouclage complet en vue d’inscrire la métropole lyonnaise dans un carrefour régional à l’échelle nationale et européenne.
Fig. 4 – Représentation du bouclage du périphérique lyonnais et du tronçon nord en noir sur le schéma (Archives Grand Lyon, 2336W001)
Le projet du périphérique nord lyonnais est aussi l’occasion de rappeler ce qui apparaît alors comme des mauvais choix d’aménagements routiers : c’est en particulier le tunnel de Fourvière qui est pointé comme contre-exemple à partir duquel tirer des enseignements. Car outre les questions commerciales, les enjeux en matière d’aménagement et d’inscription de la métropole au sein d’un carrefour doté des infrastructures appropriées, le périphérique nord doit permettre de déporter une grande partie du trafic routier de transit pour en délester les artères routières du centre-ville : la solution du périphérique s’oppose, en ce sens, à la logique de l’autoroute pénétrante dans le centre-ville comme l’incarnent le tunnel de Fourvière ou l’A344 à Reims.
Fig. 5 – Représentation des axes routiers saturés dans l’agglomération lyonnaise en 1990 (Archives Grand Lyon, 2336W001)