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Editorial Rhône-Nature mars 1988, « 20 ans après »


n°88 – mars 1988


20 ans après (photo 3495)


On n’a pas tous les jours 20 ans hélas mais cette année 1988 verra le vingtième anniversaire de la fondation du COSILYO-FRAPNA Rhône.


Vingt ans déjà que quelques militants, dont certains sont encore sous le licou, constituèrent avec le Club Alpin Français, la première section départementale de la FRAPNA. Laquelle FRAPNA n’existait pas encore d’ailleurs puisqu’elle fut fondée quelques années plus tard sous l’impulsion dynamique de Philippe Lebreton.


Nous ne ferons pas ici le traditionnel « bilan » du chemin parcouru : il y a de bonnes et de mauvaises pages, et de toute façon les regrets ne servent à rien.


Contentons-nous du présent et forgeons l’avenir, tant il est vrai que l’Histoire n’est aussi que ce que sont les hommes qui la font.


Vingt ans après donc, le COSILYO-FRAPNA-Rhône se porte bien, merci, ça va. L’âge n’a guère apporté de rides, le boulot ne manque pas (pas de chômage à la protection de la nature) et notre dynamisme, s’il a changé de forme, n’a rien perdu de son mordant. Cependant, nous serions un  peu plus nombreux que cela ne ferait tort à personne.


Autour de nous, le monde a changé. Rarement en bien : plus dure, plus hostile, plus âpre est devenue la protection de la nature. Car à mesure que les zones sauvages disparaissent, celles qui subsistent attirent encore plus de convoitises : mise en valeur, aménagements touristiques, développement économique. Encore et toujours…


En vingt ans, combien de kilomètres du fleuve Rhône bétonnés ?Combien de kilomètres de haies abusivement arasées, ou de chemins goudronnés ? Cde combien de milliers d’hectares s’est accrue l’agglomération lyonnaise ?


Déjà, les vagues de la marée de béton la base des monts du Lyonnais. Epargnera-t-on les derniers Ours pyrénéens, et les années qui viennent verront-elles la fin du pillage du 1/3 monde ?


Près d’ici, sauvera-t-on les derniers lambeaux du Rhône sauvage qui subsistent à l’amont et à l’aval immédiat de Lyon ?


Sans notre action, la réponse est claire : c’est NON !


Mais nos interventions seront-elles entendues, écoutées ? L’espoir est notre raison d’agir.


En vingt ans, les protecteurs de la nature ont dû devenir des spécialistes de haut-niveau : aptitudes pour l’expression orale et écrite, compétences juridiques, financières, économiques, apprentissage de la gestion, sans parler des connaissances techniques et scientifiques en matière d’hydrologie, zoologie, botanique, etc.


Pas étonnant qu’on soit fatigués quand on sait que tout ce travail est assuré la plupart du temps en dehors, et en plus de nos activités professionnelles.


L’apparition de permanents dans les associations de protection est bien le signe de la professionnalisation croissante des activités de protection de la nature.  


Sur le plan politique, ces 20 ans ont vu enfin émerger une loi sur la protection de la nature (celle du 10 juillet 1976) qui malgré ses défauts constitue notre objectif premier : faire en sorte qu’elle soit d’abord respectée. Et puisqu’on parle politique, rappelons que pour nous, la protection de la nature est une nécessité fondamentale, qu’elle n’est pas réductible à une simple composante du développement économique puisque ce dernier, par essence, s’oppose à la Nature.


C’est pourquoi nous réaffirmons que la protection de la faune, flore et des milieux naturels sauvages n’est ni de droite ni de gauche (et dans ce domaine l’alternance n’a pas hélas, ralenti la destruction des milieux). Le débat se situe à un niveau beaucoup plus élevé qui présuppose avant tout que le patrimoine naturel soit pris en compte en premier et non pas réduit à ce qui reste quand tous les projets d’aménagement ont été réalisés.


Nous ne faisons pas de politique stricto sensu, la preuve : nous travaillons avec les élus de gauche comme de droite pourvu qu’ils soient de bonne volonté. Et honnêtes. Mais cela ne nous empêche pas d’avoir des idées précises sur les risques et les conséquences des activités humaines sur l’environnement au sens large.


Nous pensons que l’expansion purement matérielle et sans limites dans un monde limité est une absurdité et que les impératifs économiques et énergétiques ne servent souvent que les intérêts de groupes particuliers.


Quant au nucléaire, nous sommes toujours résolument contre et les faits – techniques et économiques – nous donnent hélas raison. Ce qui nous fait une belle jambe et ne nous protège pas des méfaits de Tchernobyl (pourvu qu’il n’y en ait pas un autre !)


Mais dans ces 20 années, une certaine conscience politico-écologique ou écolo-politique comme vous voulez s’est aussi faite jour, concrétisée par un parti avec lequel nous avons beaucoup de convergences : celui des VERTS. Ce que Die Grünen allemands ont fait, pourquoi ne le ferions-nous pas ? Pourquoi les écologistes n’obtiendraient-ils pas des résultats significatifs – donc efficaces – en France ?


Nous faisons de la politique ? Non, de la Politique, et avec les VERTS, nos idées, nos espoirs et aussi l’intérêt général, c’est-à-dire la Vie sur Terre convergent, profitons-en : ça ne durera peut-être pas toujours.


Alors bon vent, Antoine Waechter, et bonne chance.


Bon anniversaire enfin à tous les adhérents, nouveaux et anciens qui ont fait avec nous tout ou partie du chemin au cours de ces 20 années : donnons-nous R.V dans 10 ans. Bon courage !


D. Ariagno.