Agence Financière de Bassin
Les Agences de l’Eau sont aujourd’hui des acteurs majeurs de la gestion de l’eau en France. Pourtant, au moment où elles sont créées dans les années 1960, la gestion par bassin-versant est un concept nouveau dans notre pays et l’instauration de ces agences n’est pas sans débat. Revenons un peu sur l’histoire de la mise en place des Agences de l’Eau, alors désignées comme « Agences Financières de Bassin » (AFB). Pourquoi un tel organisme a-t-il était créée et quels étaient alors son rôle et ses missions ?
Dans les années 1950-1960, la pollution de l’eau se constitue comme un problème aux yeux de l’administration. L’augmentation de la demande de la ressource en eau fait alors craindre une pénurie d’eau dans les régions peuplées et industrielles. La pollution est alors un facteur aggravant car elle rend l’eau des rivières et de certaines nappes alluviales impropres à de nombreux usages. Elle cause donc une diminution de la quantité de ressource disponible. Il faut alors mettre en place des solutions afin d’assurer l’avenir d’une France en pleine croissance démographique et industrielle et de pourvoir à ses besoins en eau.
La loi sur l’eau du 16 décembre 1964, aboutissement d’une « Commission de l’eau » du secrétariat générale du Plan, tente de répondre à cette ambition. Elle décide la mise en place des Agences Financières de Bassin et des Comités de Bassin. Le Comité de Bassin est pensé comme une sorte de « Parlement de l’eau ». Composé de représentants de l’État, des collectivités, des usagers et de « personnes compétentes » (soit des ingénieurs spécialisés dans le domaine de l’eau), il a une mission consultative. L’AFB est alors le bras du système : elle perçoit des redevances pour pollution sur les usagers et subventionne les usagers pour leurs investissements de « dépollution » (entre autres, les stations d’épuration). Elles peuvent contribuer à des études, des recherches et l’exécution d’ouvrages d’intérêt commun. Sur le plan juridique, elles sont des établissements publiques administratifs financièrement autonome. Cependant, son pouvoir est uniquement financier car l’AFB n’a pas la maîtrise d’ouvrage. Après 2 années de discussions sur les conditions d’application de la loi, deux décrets du 14 septembre 1966 rendent effectives les AFB. Le pays est découpé en 6 bassins-versants qui existent toujours aujourd’hui: Adour-Garonne, Loire-Bretagne, Seine-Normandie, Artois- Picardie, Rhin-Meuse et Rhône-Méditerranée-Corse. Les Agences sont alors rattachées aux différents ministères en charge de l’eau (agriculture, équipement, santé, finances) avant d’être rattachées au ministère de l’environnement à sa création en 1971.
La lutte contre la pollution n’est pas la seul prérogative de l’Agence qui s’occupe aussi des problèmes d’inondation, d’irrigation, etc. C’est cependant le plus gros investissement financier de l’Agence. Celle-ci met progressivement en place des redevances sur les usagers (industriels et collectivités) qui sont proportionnelles à la quantité de pollution classique[1] rejetée. Ces redevances servent ensuite en tant que subventions ou prêts à financer les infrastructures de dépollution engagés par les collectivités et les industriels (les subventions représentant souvent 30% des investissements et les prêts pouvant être accordés jusqu’à 50%)[2]. Son rôle est donc avant tout incitatif : elle pénalise financièrement les pollueurs et récompense ceux qui investissent contre la pollution. Au fils des années, l’Agence précise ses taux de redevances et de subventions selon les secteurs d’activités, les substances rejetées (pollutions toxiques[3], pollutions nitriques…), les traitements envisagés (aide à la réduction à la source, aide au réseau, aides au bon fonctionnement). Elle élargit ainsi ses capacités d’action en s’adaptant aux nouveaux problèmes. En effet, les pollutions classiques étant de mieux en mieux éliminées, d’autres problèmes, comme les micropolluants (dès les années 1970) , l’eutrophisation (vers 1976), les pollutions diffuses (dans les années 1980) prennent de plus en plus d’importance. Mais c’est aussi grâce aux études menées par l’Agence où ses partenaires que les conséquences de ces pollutions sont de mieux en mieux connues.
Pour aller plus loin
NICOLAZO, Jean-Loïc, REDAUD, Jean-Luc, Les agences de l’eau : quarante ans de politique de l’eau. Paris, Edition Johanet, 2007.
BARRAQUÉ, Bernard, « Les Agences de l’eau et le contexte de la régionalisation », Responsabilité et environnement, no 46, Les annales des mines, avril 2007
http://www.annales.org/re/2007/resumes/avril/11-re-resum-FR-AN-AL-ES-avril-2007.html
[1] La pollution « classique » ou organique est mesurée par la DCO, la DBO5 et les matières en suspension.
[2] Des variations dans le temps et selon les ouvrages d’épuration s’observent mais on peut retenir ses pourcentages de manière général.
[3] On parle aussi de pollution non dégradable ou de micropolluants, cette catégorie regroupe les métaux, les hydrocarbures, les phénols et autres éléments pour lesquels une quantité infime peut avoir de grave conséquence sur la qualité de l’eau et le milieu.