Jugement tribunal de grande instance de Lyon, affaire du Mornantet, 6 mars 1980
Lyon, le 6 mars 1980
Monsieur le Président
Syndicat des Eaux de Givors
Mairie de Givors
Affaire : Pollution du Mornantet
Je vous prie de trouver sous ce pli une copie du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Lyon le 29 février 1980.
Vous constaterez que le Tribunal rejette la demande de votre syndicat en invoquant deux arguments :
- D’une part que la pollution dont était responsable la société CATTESON n’a pas provoqué un dommage réel mais simplement un risque pour l’avenir
- D’autre part que rien ne démontre l’utilisation illégale de la canalisation.
Je vous remercie de bien vouloir me faire part de vos observations éventuelles.
Dans cette attente, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en mes sentiments bien dévoués.
Michel Lenoir
République Française au nom du peuple Français
[…]
A l’issue des débats, le Président a indiqué que le jugement serait prononcé à l’audience du 29 février, et ce jour, le Tribunal après en avoir délibéré a rendu la décision suivante :
FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Le 22 aout 1974, la Société de Distribution des Eaux Intercommunales (S.D.E.I.), gestionnaire du service de distribution d’eau du Syndicat Intercommunal des Eaux de GRIGNY et LOIRE SUR RHONE, constatait qu’une nappe créait un risque de pollution des eaux distribuées dans plusieurs communes avoisinantes, par infiltration de produits toxiques dans la nappe phréatique située à proximité.
L’enquête diligentée tant par les services de police de la ville de GIVORS que par le Service des Mines confirmait la pollution par hydrocarbure du lit de la rivière sur cinquante mètres environ en aval du pont enjambant la R.N. 86.
L’origine de cette pollution était attribuée au déversement dans un égout se jetant dans le MORNANDET des eaux usées de la station de lavage de l’entreprise de transports Marcel CATESSON sise 52 route nationale 86 à GRIGNY. Les diverses analyses effectuées ont, en effet, démontré que les liquides prélevés à la sortie de l’égout dans le dernier bac de décantation de l’entreprise CATESSON contenaient des hydrocarbures en quantité supérieure à la normale.
Un procès verbal pour infraction aux dispositions de la loi du 16 décembre 1964, a été dressé à l’encontre de Marcel CATESSON qui a acquitté le montant de la transaction avant jugement offerte par les services de la Direction Départementale de l’Agriculture le 1er mars 1976.
Par acte du 6 décembre 1978, le Syndicat Intercommunal des Eaux a fait assigner la S.A. Transport CATESSON (anciennement S.A.R.L. Transports CATESSON) et sa Compagnie d’Assurances aux fins d’obtenir réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par la Société CATESSON.
A l’appui de son action, le Syndicat expose qu’en raison du risque important de voir la nappe phréatique et les puits de captage d’eau d’alimentation infiltrés par les rejets toxiques, il a été obligé, pour prévenir ce danger sérieux et imminent, de prolonger la venance de la Route nationale 86 jusqu’à un système d’égout existant sur le territoire de GIVORS.
Par conclusions postérieures, le Syndicat a précisé qu’il fondait subsidiairement son action sur les dispositions de l’article 1384 du Code Civil.
Il demande la condamnation in solidium des défendeurs au paiement à son profit de la somme de 34 054, 49 F, montant des travaux destinés à protéger les zones de captage d’eau d’alimentation.
La Société des Transports CATESSON conclut à l’irrecevabilité et au débouté de la demande dirigée à son encontre.
Les Assurances Générales de France font valoir que la police d’assurances souscrites par l’entreprise CATESSON ne couvre pas celle-ci à raison des faits invoqués par le syndicat demandeur.
MOTIF DE LA DECISION :
A- Sur la demande dirigée à l’encontre de la Sté de Transports CATESSON
Attendu qu’aucun moyen tiré de l’acquisition d’une éventuelle prescription n’est opposé par les défenseurs de sorte qu’il n’y a pas lieu à examiner l’argumentation du Syndicat des Eaux combattant ce moyen de défense ;
Attendu que le syndicat des Eaux a fait procéder au début de l’année 1975 à de travaux dont l’objet a été précise-t-il de prolonger la canalisation destinée à recueillir les eaux de ruissellement de la R.N. 86 jusqu’à un système d’égout existant sur le territoire de Givors ; qu’il allègue que ces travaux ont été rendus nécessaires par la seule faute de l’entreprise CATESSON ;
Attendu que la Société des Transports CATESSON reconnaît avoir commis une faute mais qu’elle fait valoir que le préjudice dont le syndicat demande réparation n’est pas en relation de causalité directe avec cette faute :
Attendu que la faute de la Société CATESSON a consisté à laisser écouler indirectement des substances nocives dans une rivière ;
Qu’il résulte de la procédure pénale versée aux débats que cette faute incontestable n’a pas eu pour conséquence la pollution des puits de captage situés à proximité, mais qu’elle a seulement créé un risque ; que la faute ainsi caractérisée n’a été, pour le syndicat, à l’origine d’aucun dommage ou préjudice direct et certain ;
Attendu que le Syndicat, qui expose avoir jugé utile d’accomplir des travaux de raccordement afin de prévenir tout risque de pollution dans l’avenir, n’allègue ainsi qu’un dommage éventuel à l’appui de sa réclamation ;
Attendu que M. CATESSON a d’ailleurs, à la demande du Service des Mines, fait procéder à des travaux de modification de son dispositif d’épuration, afin que les rejets de son établissement satisfassent aux normes prévues par l’instruction ministérielle du 6 juin 1953 ; que les travaux réalisés sont ainsi de nature à diminuer, dans une large mesure, le risque d’une nouvelle pollution ;
Attendu, enfin, que le Syndicat des Eaux reproche à M. CATESSON d’avoir utilisé de façon fautive et sans autorisation une canalisation destinée à recueillir uniquement les eaux de ruissellement de la R.N. 86 en direction du MORNANTET.
Attendu, cependant, que de la procédure pénale et administrative, il ressort que la canalisation litigeuse serait un égout déversant à l’origine une usine de faïencerie puis actuellement la Société JANKIRI, la station-service TOTAL appartenant à M.CATESSON et la Société des Transports CATESSON, sans que l’Ingénieur des Mines PUGNERE n’ait relevé à la charge du défenseur une utilisation illégale ou abusive de ladite installation ;
Attendu, en définitive, que les travaux dont le Syndicat des faux, demande le remboursement à la Société CATESSON sur le fondement des articles 1382 et 1384 al.1 du Code Civil, ne constituent pas la réparation d’un préjudice actuel et certain né de l’infraction commise par celle-ci ou du fait de l’installation dont elle est la gardienne ;
Que la demande n’est pas fondée et doit être rejetée ;
8- Sur la demande dirigée à l’encontre des A.G.F. :
Attendu que l’action en paiement du Syndicat des Eaux est aussi mal fondée à l’encontre de l’assureur de l’entreprise CATESSON pour les motifs juridiques précédemment développés ;
Qu’à titre surabondant, il doit être constaté ainsi que l’admet l’assururée elle-même, que la police d’assurances garantis la Société CATESSON pour les seules conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à celle-ci à raison des dommages corporels et matériels causé à autrui par un accident, que sont exclus les accidents occasionnés par la pollution des eaux, que l’action en reconnaissance de responsabilité introduite par le Syndicat ne se fonde pas sur un fait accidentel mais sur un « risque » de pollution alors que la pollution n’est pas couverte par la police :
Attendu que les dépens seront supportés par le demandeur qui succombe :
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal,
Rejette comme mal fondée la demande du Syndicat Intercommunal des Eaux de GIVORS et LOIRE SUR RHONE à l’encontre de la S.A. des Transports CATESSON et des Assurances Générale de France ;
Condamne le Syndicat Intercommunal des Eaux aux dépens distraits au profits de Maître LUCIEN BRUN et GUILLAUD, avocats, sur leurs affirmations de droit ;