Science, scientifiques

« Il y a cependant d’autres dangers [que le conflit militaire], plus graves encore mais plus cachés, liés à la destruction progressive de notre environnement : ainsi, dans vingt ou trente ans, il n’y aura peut-être déjà plus suffisamment d’eau non polluée pour pouvoir être utilisée par des organismes vivants. Ce sont des scientifiques qui ont tiré la sonnette d’alarme (certains déjà depuis la fin de la dernière guerre mondiale), mais ils sont trop peu nombreux jusqu’à présent pour se faire entendre. Ce sont les scientifiques qui sont les plus qualifiés pour informer le large public de ces dangers, de l’urgence d’une action pour prévenir notre destruction, consécutive à la destruction de notre environnement. Ils sont également indispensables pour aider à dégager les moyens pour échapper à la destruction ».

« Pourquoi encore un autre mouvement ? », publié dans le numéro 2/3, de septembre-octobre 1970, p. 24-28 (cité dans Céline Pessis, Survivre et vivre. Critique de la science, naissance de l’écologie, Montreuil, L’échappée, 2014, p. 85-86)

Comme cet article manifeste de l’éphémère revue Survivre l’indiquait, au début des années 1970, les scientifiques jouèrent un rôle important pour l’information du public. Au milieu des années 1970, certains physiciens du CERN s’investirent dans la dénonciation du projet de surrégénérateur Superphenix.
Pour bon nombre de problèmes environnementaux, ils prirent la plume pour alerter sur la dégradation de la situation qu’ils percevaient, par exemple dans leur activité de naturaliste. En région lyonnaise, le professeur Philippe Lebreton s’investit dans une activité multiforme pour sauver le marais des Echets qui était menacé d’assèchement sous couvert de remembrement agricole. Ce combat – en partie perdu – le mena à fonder la FRAPNA, fédération d’associations départementales de protection de la nature, qui vont former des amateurs à la science naturaliste. Comme Lebreton lui-même, certains scientifiques entreront en politique. Et certains politiques, comme le socialiste Franck Serusclat ou le maire de Lyon et président de la COURLY, recherchent le conseil des scientifiques au moment où l’écologie connaît un regain de faveur. Mais quelle est la frontière entre la science, et la sphère des « profanes », ou des ignorants ? Les recherches sur la science et la technique (science and technology studies) ont mis à mal, depuis une trentaine d’années, l’image d’une science allant toujours vers le progrès, et elles ont mis en évidence le caractère socialement situé de toute opération, de toute découverte scientifique. Pour l’équipe de TRANSENVIR, les acteurs scientifiques sont des acteurs sociaux comme les autres, ni plus ni moins…