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Coupure de presse, 15 septembre 1972


« Après la Saône, le Rhône : X... a de nouveau sévi : Le fleuve-roi est pollué en aval de Pierre-Bénite. Trois tonnes de poissons morts recueillies hier »



Un an après ça recommence. Le scénario n'a guère varié. Seuls, les décors ont quelque peu changé. Cette fois c'est le fleuve-roi et non l'affluent qui est concerné. Au fil du Rhône, en aval du barrage de Pierre-Bénite, des milliers de poissons morts dérivent lamentablement, ventre en l'air. Les premiers cadavres ont été aperçus mardi.


Hier encore, sous la pluie qui griffait la surface du fleuve on découvrait à perte de vue des milliers de points argentés que les eaux emportaient comme des épaves à leur rythme inexorable : c'étaient des sandres, des perches, des brochets, tous seigneurs du Rhône, poissons nobles s'il en fut.


Comme l'an passé pour la Saône, cette nouvelle catastrophe écologique a mobilisé un grand nombre de services publics et d'associations concernés.


Depuis mardi soir, les sapeurs pompiers de la communauté urbaine ainsi que des sapeurs du 4e régiment de génie s’emploient à débarrasser le fleuve de tous ces poissons morts. Par chance le froid qui règne actuellement a permis d’éviter ce qui fut l’n passé un inconvénient majeur : l’odeur pestilentielle répandue par ces milliers de cadavres.


Trois tonnes de poissons.


En qualité de Directeur départemental de la protection civile, M. Robert Cazade a pris la tête des opérations et s’est rendu à plusieurs reprises sur les lieux d’intervention.


Hier, en fin d’après-midi, il se montrait fort prudent et évitait tout pronostic car selon ses propres termes « le poisson continue à mourir ». Les sapeurs du 4e génie avaient en effet complètement nettoyé mercredi la base du barrage de Pierre-Bénite. Hier matin, des dizaines et des dizaines de nouveaux cadavres flottaient au même endroit.


D’après certains pêcheurs, il se pourrait le froid soit pour qq chose dans cette apparition tardive de nouveaux poissons morts. La décomposition des cadavres étant ralentie beaucoup d’entre eux peuvent attendre quelques jours avant de revenir à la surface.


Compte tenu de ces conditions, il est donc bien difficile de dire quand les opérations d’assainissement seront terminées. Hier, 18 sapeurs du génie, montés sur 4 barques, procédaient au nettoyage du fleuve en partant du barrage alors qu’une dizaine de pompiers remontaient depuis Vernaison à bord de trois embarcations. Ils ont récolté près de trois tonnes de poissons.


De nombreuses analyses ont évidemment été effectuées. On n’en connaît pas encore le résultat. M. Cazade entend cependant faire effectuer ce matin de nouveaux prélèvements à la base du barrage. Il semble en effet que dans cette zone, où les eaux sont relativement stagnantes, les poissons soient toujours incommodes (sic). Cela pourrait signifier que le produit polluant est demeuré en place.


Les riverains mécontents


du côté des pêcheurs et des riverains, on a dépassé le stade des réflexions aigres-douces. Nous avons rencontré à Grigny une dizaine de pêcheurs aux engins qui ne cherchaient pas à dissimuler leur colère. L'un d'eux, un de ces braconniers qu'on appelait autrefois les pirates du Rhône nous a dit avec une belle franchise ; « Moi je l'avoue, je me suis fait prendre en train de pêcher avec un filet non réglementaire. On m'a saisi mon bateau, mon matériel ? On m'a infligé une amende. En tout j'ai eu pour près d'un million de francs ! Je ne dis rien, c'est normal. Mais quand même, il y a quelque chose qui me choque : moi j'avais pris tout au plus trente kilos de poisson. Je ne l'avais pas détruit, c'était pour la consommation. Les pollueurs eux en tuent trois tonnes d'un coup et ils dorment pourtant sur leurs oreilles !


Les pêcheurs à la ligne s'estiment les plus lésés : « Nous payons des taxes, nous finançons l'alevinage, les poissons du Rhône c'est grâce à nous s'ils existent, nous sommes donc concernés du premier chef, nous a dit un de leurs représentants.


Il existe encore quelques guinguettes nichées dans la verdure au bord de l'eau. Cette nouvelle pollution peut leur porter un grand préjudice. Beaucoup de clients risquent en effet de déserter ces établissements par crainte de manger du poisson provenant d'eaux polluées.


En fait, la majorité des restaurateurs des bords du Rhône a depuis longtemps choisi de s'approvisionner en poisson plus loin que devant leur porte. Même sans pollution le poisson du Rhône a paraît-il un fâcheux goût de mazout



La Saône de nouveau polluée à Neuville


La Saône a connu, elle aussi, une alerte à la pollution. Fort heureusement les dégâts constatés n'ont rien de comparables à ceux dont de nombreux lyonnais avaient pu être les témoins aux alentours du 14 juillet 1971.  (voir 1956 W 2)


Ce sont des pêcheurs à la ligne qui ont aperçu mercredi matin les premiers poissons morts qui défilaient sur la rivière. Ils ont aussitôt donné l’alerte, ce qui a permis au garde-champêtre chef Volpini de réagir avec efficacité. Des cadavres de poissons ont été immédiatement portés à l’Ecole vétérinaire aux fins d’analyse tandis que des prélèvements d’eau étaient effectués.


Les espèces touchées sont essentiellement à classer parmi les poissons de fond. Les cadavres avaient tendance à se décomposer très rapidement et à prendre une teinte violacée une fois retiré de l’eau.


D’après l’enquête à laquelle s’est livrée la municipalité de Neuville qui suit cette affaire de très près, les premiers poissons morts auraient été aperçus à la hauteur du restaurant la Championnette ce qui situerait l’origine de la pollution sensiblement au même endroit que l’an dernier.


Mercredi, en fin d’après-midi, les eaux de la Saône avaient cependant repris leur aspect habituel et, quoique toute évaluation soit difficile en ce domaine, on peut estimer que les poissons morts représentaient tout au plus quelques centaines de kilogs.