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Lettre de la mairie de Dardilly au Comité de Défense, 23 mars 1981

La lettre appelle à trouver une solution définitive au problème de la décharge de Dardilly, et des déchets en général. Le contexte de la construction de la décharge est précisé, et on explique l'opinion des acteurs qui gravitent autour. La mairie demande ainsi la fin des nuisances, en proposant des mesures techniques adéquat, et s'oppose fermement à la réouverture de la décharge.

Monsieur,


La Commune de Dardilly et très particulièrement les deux cents cinquante personnes qui constituent l’environnement humain immédiat de notre trop fameuse décharge vivent actuellement des moments très pénibles et inquiétants.


Nous avons décidé de faire appel à votre autorité et à votre influence, d’une part pour que soit définitivement réglée notre propre situation, mais aussi pour que le problème général des déchets soit d’autre part posé publiquement et reçoive enfin une solution correcte.


Sans doute vous vient-il déjà à l’esprit une question. Pourquoi a-t-on ouvert cette décharge avec un environnement humain aussi proche ? La question en effet vient normalement à l’esprit, mais elle a une réponse.


Il existait un site géologiquement intéressant : une ancienne carrière d’argile sans nappe phréatique connue et à fortiori utilisée. Aujourd’hui il nous apparaît à l’évidence que cette préoccupation concernant le sous-sol, certes tout-à-fait indispensable, est trop souvent la seule préoccupation des services responsables.


Au nom de la solidarité régionale et compte-tenu du rapport géologique qui était favorable malgré quelques réserves, nous avons accepté l’ouverture de cette décharge en signalant que l’environnement humain rendait le site fragile et imposait des limitations nettes.


Il faut d’ailleurs souligner que l’arrêt n°403-75 de Monsieur le Préfet de Région, en date du 11 juillet 1975 avait pris en compte nos préoccupations. Dans les attendus de l’arrêté, il était dit en effet : « Considérant que si des oppositions ont été formulées au cours de l’enquête de commodo et incommodo à laquelle il a été procédé, les prescriptions imposées ci-après seront de nature à sauvegarder la sécurité et la salubrité publique »


Quelles étaient donc ces prescriptions imposées ? Parmi beaucoup d’autres choses concernant la liste des produits autorisés (matériaux de terrassement et de démolition, gravat, balayure, cartons, papiers.. etc. etc..) nous lisons ce paragraphe très précis : (sont autorisés) « les déchets industriels et commerciaux solides, à condition qu’ils ne soient ni toxiques, ni explosifs, ni susceptibles de s’enflammer spontanément… » Un peu plus loin dans la liste des résidus interdit il est écrit en toute lettre : les déchets industriels non-inertes… les liquides quels qu’ils soient… »


Ces restrictions et ces interdictions étaient la contre-partie de notre effort de solidarité. Pour les garantir non seulement nous avions l’arrêté de Monsieur le Préfet de Région mais également des engagements divers consentis de façon très explicite aussi bien par les propriétaires du « trou à combler » que par la première société postulante pour l’exploitation.



Que s’est-il donc passé ensuite à DARDILLY.


 


a)      Du côte de la Société exploitante



Il faut d’abord noter que dès le début, Déblais-services qui avait postulé et obtenu le titre officiel d’exploitant est obligé pour des raisons diverses de le sous-traiter à la Société SOPALUNA. Cette dernière par un jugement du tribunal de Commerce, à nos yeux, fort contestable et d’ailleurs contesté, a obtenu par la suite le titre officiel d’exploitant. Déblais-Service était ainsi écarté.


Mais il est tout à fait évident que la Société SOPALUNA a exploité dès le début et que dès le début elle a déversé en quantité importante des produits interdits dont beaucoup de produits toxiques et non-inertes. Des produits ont été saisis à leur arrivée, des analyse de prélèvements ont été faites de même que des analyses d’effluents qui ne laissent aucun doute sur la toxicité des produits déversés, même si l’ « on » prétend que la notion de toxicité est imprécise.  On pourrait écrire un livre sans épuiser le sujet. Contentons nous de dire : exploitation techniquement déplorable et d’autre part malhonnête.



b)     Du côté du service des Mines, organisme technique chargé du contrôle de l’exploitation et de la nature des déchets.


Il faut constater que si l’on avait eu affaire à des gens honnêtes, c’est-à-dire en fait si une surveillance très légère avait suffi, le contrôle du Service des Mines aurait sans doute été satisfaisant. Mais en face d’une Société dont la volonté évidente et délibérée était de faire le maximum de profits au mépris de tout, il est évident que le service des Mines manquait de moyens. Il aurait fallu en permanence un Inspecteur pour contrôler la nature des déchets, pour contrôler et diriger l’exploitation. De toute cela, rein ou presque rien n’a été fait, à tel point qu’il a fallu que le Maire épaulé par les gendarmes surveille lui-même et sans arrêt pour mettre en évidence le trafic ; et que finalement devant la défaillance du contrôle et l’impudence de l’exploitant, il a fallu que le Maire en appelle à la Justice et dépose plainte devant le Procureur de la République en Novembre 1977. Il y avait déjà plus d’un an que durait le manège et que les nuisances se multipliaient.


Mais il faut aller plus loin et ce constat nous amène à poser le problème politique général que nous voulons essentiellement vous soumettre.


En effet, non seulement le Service des Mines manquait de moyens et de personnel pour empêcher les malversations de SOPALUNA ; mais il a fait preuve en telles et telles circonstances et dans l’hypothèse la plus indulgente d’une extrême complaisance à l’égard de la Société collectrice de déchets. Dans une hypothèse plus dure mais sans doute plus juste, on parlerait sûrement de complicité. Des documents et des faits peuvent en témoigner



               Ce que nous demandons sur le problème particulier de DARDILLY.



               Il y a à peu près 5 ans que nous avons subi les premières nuisances et cela dure toujours. En particulier des personnes ont connu et connaissent des troubles respiratoires qui d’ailleurs disparaissent quand quittent le site.


               De nombreuses personnes se plaignent de maux de tête et de vomissements. Certains d’entre elles ont été hospitalisées pour soins et analyses.


               L’arrêté de Monsieur le Préfet de Région décrétant la fermeture provisoire de la décharge date 12 juin 1980. Sa lettre exigeant de SOPALUNA la remise en état du site date du 12 février 1981.


               Notre exigence impérative aujourd’hui tient à plusieurs considérations :


a)      Les mesures « techniques » proposées pour maîtriser la situation.


Nous demandons d’abord qui prend et surtout qui dans l’avenir prendra la responsabilité d’un tel dispositif en admettant qu’il soit crédible ? Les fonctionnaires changent nous le constatons : pas un ingénieur en responsabilité sur les problèmes de contrôle que nous avons évoqué n’est encore à son poste aujourd’hui.


Mais le dispositif proposé est en fait peu crédible. En effet :


             1°) aucun descriptif de matériaux et ouvrages n’est fourni (nature, dimensions, mise en œuvre, … etc.)


           2°) un examen détaillé du dispositif proposé nous amène à faire remarquer que le sillon périmétrique ne récupérera que les eaux de ruissellement de surface en contre-haut. Il ne sert à rien pour les eaux d’infiltration et pas plus pour les eaux de ruissellement en contre-bas. De plus comme un fossé et le film plastique ne protégeant rien. La preuve en est déjà faite d’ailleurs.


            3°) Le draînage, sa nature comme sa compositon n’étant pas connues avec précision on peut craindre en tout état de cause un mauvais fonctionnement ou pas de fonctionnement du tout par colmatage (entraînement de matériaux, effondrement, etc.) Dans ce cas et le système n’étant pas visitable tout est à craindre par manque d’entretien et de contrôle.


          4°) Une remarque identique est à faire pour le soi-disant drain contral au-dessus de la future couche étanche. En fait un drain non visitable n’est pas un drain fiable.


           5°) En admettant que soit connue l’exacte nature des gaz, qu’on propose de capter et de brûler, connait-on leur mode et leur possibilité de combustion ? D’autre part et dans le meilleur des cas ou tous les problèmes de captage et combustion sont réglés pendant combien de temps faudra-t-il supporter une telle série de torchère dans un site urbain ?



b)     Les inconnus du problème


Des camions de fûtes métalliques sont arrivés sur le site et les fûts ont été enfouis. Nous ne savons ce qu’ils contiennent et il nous paraît absolument indispensable que ces fûts soient recherchés et enlevés dans leur totalité, car il y a là source d’inquiétude intolérable étant donné qu’aucun contrôle sérieux n’a été exercé quant à la nature de leur contenu.


Comment d’autre part peut-on prévoir l’évolution et la transformation des produits déjà enfouis.




Certes le rapport du géologue était finalement favorable. […] il comportait de sérieuses réserves que nous reproduisons ci-après :


1.      « les terrains gneissiques peuvent être considérés dans leur ensemble comme imperméables. Cependant la partie superficielle peut avoir évolué en arène ou gore qui constitue un matériau plus ou moins perméables… »


2.      « … si on considère le lambeau de terrain sédimentaire on comprend en examinant la coupe jointe, que les eaux tombant sur la surface d’affleurement des terrains sédimentaires puissent cheminer en profondeur… »


3.      « … Il n’existe donc aucun risque de pollution en ce qui concerne les ressources aquifères, celles-ci étant inexistantes… Il convient cependant de ne pas négliger la pollution qui pourrait intervenir sur le plan hydrologique à proximité du site.


Si la décharge avait été ce qu’elle aurait du être, nous n’aurions de soucis ni pour le présent, ni pour la avenir. Mais nous savons, que des produits toxiques ont été déversé dans ce site.


En conséquence de tout ce qui vient d’être énuméré une seule solution garantira l’avenir comme le présent et nous l’exigeons :


Que le site soit purgé de tous les produits toxiques qui ont été déposés comme le demande d’ailleurs la délibération du Conseil Municipal de DARDILLY en date du 9 mai 1980. Après cinq années de pollution permanente, il est en tout cas absolument hors de question pour le Conseil Municipal comme pour la population qu’il représente que cette décharge soit recouverte. En conséquence nous exigeons la fermeture définitive de cette décharge et la remise en état du site afin que les pentes de terrain permettant la retenue naturelle des terres.



Le problème des déchets en général



Nous sommes conscients que des déchets existent et que donc il y a un réel problème d’élimination. Refuser qu’on en dépose à DARDILLY implique qu’on les dépose ailleurs si on continue de fonctionner comme par le passé.


En conséquence nous vous demandons Monsieur, de poser dans les instances auxquelles vous appartenez, le réel problème politique qui découle automatiquement du fait de l’existence des déchets.


Sans doute la dépollution des déchets coûte cher. On a créé Plafora il y a peu. Il y a eu des bavures à Plafora faute de moyens et faute de moyens et faute d’autres Plafora est mieux équipés encore. Exigeons que des recherches soient stimulées en matière de dépollution et que d’autres types de traitement soient imaginés si nécessaire.


On ne peut plus continuer à enfouir au plus près et aux moindres frais des déchets dangereux pour l’homme et pour l’environnement. On ne peut plus continuer à laisser s’enrichir les margoulins du déchet.


Ici ou là au hasard de colloque, on parle de préparer les populations à accepter les décharges. Peut-être pourrait-on aussi séparer les industriels d’une part et les pouvoir publics d’autre part, à comprendre qu’il est grand temps d’en finir avec une politique trop légère en matière de déchets, et qu’il y a nécessité, même si elle est coûteuse de dépolluer avant de mettre en échange.


Nous sommes en 1981, notre société fabrique beaucoup de déchets et des déchets de plus en plus polluants. N’en restons pas à des méthodes moyennageuses que seront dans leur conséquences désastreuses plus coûteuses que la recherche et la mise en place des moyen appropriés.


Et dans ce domaine comment ne pas être stupéfaits de constater que la loi de 1975 n’a reçu qu’un seul décret d’application en 19[…] pour les produits les moins gênants. Comment ne pas être stupéfaits d’apprendre qu’un élément d’application a été préparé pour les produits toxiques et qu’il a été bloqué avant que [d’en] sortir, par un ministère qui entend prolonger encore certaines pratiques certes économiques.


Nous vous demandons Monsieur, de bien vouloir prêter attention à nos difficultés particulières, mais de bien vouloir également nous aider pour que soit enfin publiquement ce très grave et très général problème des déchets industriels.



       Pour le Municipal urbains


       Le maire


             Pour le Comité de Défense