Article « Choix », Revue Pollution Non, n°2, 4e trimestre 1972
CHOIX
« Les différents systèmes de gestion du monde, qu'ils soient capitalistes ou socialistes sont coupables de favoriser l'auto-destruction de notre planète. En effet aucun nation n'est en dehors de la compétition économique implacable qu'elles se livrent. Toutes tiennent compte de l'avance technologique de leurs voisines et rivales, par là même elles oublient que l'accroissement de la technosphère se fait au détriment de l'écosphère. Là réside le crime. Sachant cela, nous pouvons raisonnablement poser la question : quel est le travail véritable des forces politiques que nous appellerons traditionnelles ? Quelque (sic) soit l'orientation idéologique des gouvernements, ceux-ci refusent d'avouer la grande erreur commune : considérer que le meilleur indice de progrès et de bien-être réside dans la croissance économique.
Les dernières décennies sont riches en intoxications démagogiques de toutes sortes. On a inculqué aux masses que leur bonheur reposait uniquement sur l'élévation du « niveau de vie » exprimé en produit national brut par tête d'habitant, bien évidemment il n'est pas question de l'envers du décor que sont l'épuisement de nos ressources naturelles, le déséquilibre écologique, pollutions et nuisances de toutes sortes. Intoxications parfaitement bien réussies, puisque la popularité de tous les gouvernements repose sur leur aptitude à élever le dit « niveau de vie » et non améliorer la Vie.
Devant la grave crise que l’humanité aborde, l’impuissance et l’inefficacité des gouvernements est encore une fois évidente, puisque seule la fuite en avant au « progrès », l’accentuation et l’accélération de la technologie leur apparaît comme le remède miracle, en réalité trompe l’œil et accélérateur de la dégénérescence planétaire.
Nous avons assisté avec amertume et colère à cette triste conférence de Stockholm de juin 72 qui s’est soldée par un échec cuisant mais normal. Il est dans l’ordre des choses que des assemblées de ce genre aient des bilans négatifs, puisque rien de fondamental dans la conception de la Vie n’est remis en cause. Or seul d’un changement radical peut surgir l’espérance du sauvetage de l’humanité.
Mais de quoi s’agit-il ? Les peuples arrivent à l’impasse matérialiste, l’équilibre naturel est en passe de rupture et la réhabilitation écologique ne pourra se réaliser qu’à la condition expresse que le Mouvement Ecologique regarde bien en face d’une part la réalité, d’autre part ne cache pas plus longtemps certaines vérités lui imposant dès maintenant des responsabilités dans la vie sociale des nations.
Le Mouvement Ecologique doit s’affirmer comme une véritable force politique, c’est-à-dire responsable. Celle-ci ne doit rien avoir de commun avec les partis ou mouvements traditionnels de toutes tendances. Il ne peut faire sa force avec des alliés corrompus, coupables de refuser la priorité, aux relations entre l’homme et son milieu. En aucun cas le Mouvement Ecologique ne peut reprendre à son compte des luttes traditionnelles. Notre combat ne doit pas servir de prétexte à de quelconques politiques conventionnelles, pour se maintenir ou obtenir le pouvoir, une telle récupération aurait pour résultat d’anéantir tous les espoirs.
Le Mouvement Ecologique doit s’attacher à devenir une force capable de renverser les ordres établis et à remplacer les systèmes sociaux qui sont arrivés à leur point de rupture. Pour ce faire nous sommes limités dans le temps, de trop nombreux secteurs vitaux de l’homme risquent d’être atteints du terrible point de no retour et ce, dans les années toutes proches (les exemples deviennent journaliser).
Détaché des autres courants de lutte qui souvent sur le fond vont à l’opposé des réalités et des possibilités naturelles, le Mouvement Ecologique ne peut se contenter d’être un éternel marginal. Il ne peut toujours dénoncer sans proposer et la position de marginal n’est pas la solution idéale. Celle-ci bien qu’intéressante sous de multiples aspects, tel celui de refuser le mode de vie actuel, ne peut que faciliter l’avance matérielle des thèses adverses, le coupant de la grande masse et le vouant à demeurer une minorité non écoutée.
Le Mouvement Ecologique, si l’on s’en tient aux résolutions de politiques actuelles, doit créer seul l’avenir, il doit seul provoquer l’Evolution. Nous devons faire admettre aux masses que les politiques qu’elles soutiennent les entraînent au chaos, mais le plus difficile, cette évidence acceptée, est de faire changer les habitudes régissant la civilisation actuelle. C’est justement cette peur du changement qui provoque cette acceptation, aboutissant à la politique de l’autruche.
Dans le monde actuel, ce n’est pas dans la lutte individuelle que réside la solution. Seule la levée massive de tous ceux qui veulent vivre et bien vivre, peut réaliser cette force. Celle-ci réside dans nos regroupements et notre résolution d’aboutir. Le Mouvement Ecologique doit ouvrir largement ses rangs à tous ceux qui sont convaincus qu’il n’y a pas d’autre alternative et qu’il faut intervenir avec un maximum d’efficacité et de rapidité.
Nous devons pour mener à bien la lutte, nous organiser partout où nous sommes ; au lycée, à l’université, au bureau, à l’usine, à la campagne. Nous devons constituer cette force politique qui par mutations successives amènera au changement de civilisation. Il n’est pas question pour nous de remplacer un parti par un autre mais de changer un état d’esprit, d’apporter à chaque individu une vie simple à son échelle, celle de l’homme. Nous devons prendre nos responsabilités, c’est-à-dire travailler concrètement. Il serait utopique de changer le monde, de faire table rase, alors que plus encore que des institutions, il s’agit d’une mentalité, aussi va-t-il falloir agir par palliers (sic). Dès maintenant nous devons couvrir le pays d’un vaste réseau, prenant en main notre destinée. Nos adversaires ont oublié que chaque intervention de l’homme a des répercussions sur le milieu ambiant, nous, nous savons cela et nous connaissons les aspects négatifs du non respect de cette loi élémentaire. Nous connaissons le besoin urgent de modifier les rapports Hommes-Nature. Il n’y a pas d’avenir si le Mouvement Ecologique ne prend pas en main les destinées de la planète, c’est pour elle une question de vie ou de mort, nous devons nous opposer à ce génocide.
Nous devons faire face à la démission générale (civilisation des bras balants (sic)), où l’on retrouve toutes les tranches d’âges et sociales. Nous devons être des groupes non seulement de recherche mais aussi d’action. Nous avons face à nous une civilisation moribonde dans ses bases mais qui a tellement conditionné ses victimes que ces dernières sont prêtes à tout pour la défendre y compris disparaître avec elle. Rien ne changera si nous nous enfermons dans l’attaque ou la critique stérile, c’est-à-dire ne rien proposer.
Le Mouvement Pollution Non a décidé pour sa part non seulement de continuer son travail de critique, mais de débuter une action avec les bases d’un programme que le temps et la réflexion devront sans cesse faire évoluer et compléter. Nous devons aboutir à un système social où chacun doit trouver des sources de satisfaction, plutôt que des contraintes.
Trois points retiennent notre attention dans un premier temps :
1° stabiliser la population à son taux de remplacement.
2° conservation et non gaspillage des matières premières
3° réduire à leur maximum les perturbations dans les processus écologiques.
Nous développerons ces thèses dans les mois qui viennent, la période électorale nous servant à mettre l’adversaire face à ces contradictions.
Bureau politique du MOUVEMENT POLLUTION NON.