usines

Lettre de R. Berthillier, ingĂ©nieur conseil, Massieux (Ain), Ă  l’attention de Monsieur le PrĂ©fet, 9 octobre 1970

« Messieurs,

votre lettre du 24 septembre m’a plongĂ© dans une assez profonde stupĂ©faction, notamment lorsque vous Ă©voquez l’invitation faite par la SociĂ©tĂ© Roussel-Uclaf de visiter son usine le 2 septembre.

Vous paraissez ignorer que cette invitation est la consĂ©quence d’une rĂ©union publique organisĂ©e Ă  TrĂ©voux le 21 aoĂ»t par l’Association pour la Lutte contre les nuisances dans la vallĂ©e de la SaĂ´ne, dont les statuts ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s Ă  la PrĂ©fecture du RhĂ´ne le 17 juillet 1970, association dont j’assure la prĂ©sidence.

Cette invitation a Ă©tĂ© adressĂ©e verbalement aux membres du bureau de notre Association et elle serait restĂ©e très confidentielle si nous n’avions pris l’initiative d’en informer M. le docteur Violet, directeur du Bureau d’hygiène de Lyon, et M. Seignat, inspecteur des Ă©tablissements classĂ©s qui s’est chargĂ©, Ă  son tour, de prĂ©venir M. Bergier, ingĂ©nieur sanitaire.

Vous mentionnez un arrĂŞt de fabrication d’un produit – dont je suis en mesure de vous prĂ©ciser qu’il s’agit de l’hexahydrobenzoate d’Ă©thyle – Ă  la date du 30 juin et vous paraissez ignorer que les odeurs provoquĂ©s par ce produit ont continuĂ© depuis, avec seulement une lĂ©gère atĂ©nuation voici quelques semaines. Il ne peut donc ĂŞtre question de confĂ©rer un caractère « accidentel » Ă  cette nuisance que l’on retrouve, sans coup fĂ©rir, autour de l’usine Roussel-Uclaf. Il suffit, en employant la plus simple des girouettes, de se placer sous le vent de cet Ă©tablissement.

Vous paraissez ignorer que ces nuisances continuent d’ĂŞtre constatĂ©es les jours fĂ©riĂ©s alors que l’usine ne travaille pas, ce qui nous a tout naturellement conduits Ă  recommander au responsables de cette entreprise d’orienter leurs recherches vers des dĂ©fectuositĂ©s de leurs stockages. Les travaux rĂ©cemment effectuĂ©s dans cette voie n’ont encore apportĂ© qu’une faible attĂ©nuation des odeurs incriminĂ©es.

En rĂ©sumĂ©, vous semblez ignorer beaucoup de choses au sujet de cette enquĂŞte qui vous a Ă©tĂ© demandĂ©e par Monsieur le Ministre de l’AmĂ©nagement du territoire. Aussi, pour que votre information devienne plus complète, je me permets de vous signaler qu’une nouvelle rĂ©union publique de l’Association pour la lutte contre les nuisances dans la VallĂ©e de la SaĂ´ne aura lieu le vendredi 16 octobre dans la salle de l’OrphĂ©on de Neuville-sur-SaĂ´ne. En nous faisant l’honneur d’y assister, vous pourrez aussi vous rendre compte que les habitants de la rĂ©gion n’attendent pas du PrĂ©fet qu’il dĂ©fende la SociĂ©tĂ© Roussel-Uclaf, mais qu’il use de l’autoritĂ© liĂ©e Ă  ses fonctions pour nous aider.

Recevez, M. Le Préfet, mes respectueuses salutations »

Rapport de l’inspecteur des établissements classés au chef du service des inspections, 1er septembre 1970

Objet : plaintes contre les Ets Roussel-UCLAF

Réfé : Lettres de M. le Préfet des

1-7-1970, plainte de M. Cordier

21-7-1970, plainte du Dr C.

30-7-1970, plainte de M. B.

3-8-1970, plainte de M. D.

J’ai l’honneur de vous rendre compte des premiers résultats de l’enquête que j’ai entreprise, à la suite des plaintes citées en référence.

Cette enquête m’a amené à établir des contacts avec les plaignants, à faire à l’usine ROUSSEL et dans les environs des visites spécialement axées sur ce problème et à assister à une réunion, organisée le 21 août 1970 à 20h30 à la salle des fêtes de Trévoux, par l’Association contre les nuisances de la vallée de la Saône, dont M. Berthillier est le Président.

L’existence d’odeurs désagréables dans la région de Neuville ne saurait être mise en doute. Trop de témoignages de personnes dignes de foi sont concordants en ce qui concerne leur réalité. De plus, l’affluence à la réunion de Trévoux prouve que ces nuisances sont prises très au sérieux par le public.

Cependant, certaines divergences apparaissent entre les plaignants, quant à la nature des odeurs. Il est vrai que, sauf peut-être pour de très rares personnes douées d’un odorat exercé, il est très difficile d’en déterminer avec précision la nature.

En tout cas, beaucoup des plaignants incriminent l’usine ROUSSEL-UCLAF, c’est pourquoi j’ai fait une visite de cet établissement.

Je dois préciser que pas plus cette fois que lors de mes passages habituels à Neuville, il ne m’a été donné de percevoir d’odeur spécialement remarquable.

M. Ory, chef du service de la sécurité, m’a fait connaître le point de vue de la société puis, dans une visite détaillée des ateliers, m’a montré ce qui avait été réalisé, dans le but d’atténuer certaines nuisances et d’en supprimer d’autres. Son point de vue concorde parfaitement avec les termes d’une lettre datée du 16 avril 1970, du Directeur de l’Usine au Docteur Dugoujon, conseiller général du Rhône, dans laquelle il est dit :

« Le problème plus particulier de la pollution atmosphérique est le problème permanent de l’industrie chimique, et notre genre d’activité qui, comme vous le savez en tant que médecin, est très évolutive notre entraîne parfois à mettre en œuvre des matières ne présentant pas de caractère de toxicité propre mais dont l’odeur est très pénétrante à l’état de traces.

Si nous sommes parfaitement avertis des problèmes de toxicité à la mise en œuvre initiale et si nous pouvons prévoir toutes les installations nécessaires pour la suppression des nuisances, il n’en est pas de même en ce qui concerne le problème des odeurs. Ce problème peu connu au départ nécessite de nombreuses études de captation qui entraînent un certain délai de réalisation

L’établissement de Neuville-sur-Saône a été accusé d’émettre trois types d’odeu, des vapeurs rouges et des vapeurs blanches.

Le premier type d’odeur est celui émanant du traitement de la bile de bœuf, matière première pour l’hémisynthèse des corticostéroïdes dont notre Société a la fierté d’(être l’un des plus grands producteurs mondiaux. Cette odeur organique par essence non toxique a été captée, après de nombreux travaux, au point d’être devenue insignifiante.

Une modernisation de nos installations est en cours et nous devrions en 1971-72 obtenir une absorption plus que parfaite de cette odeur.

La deuxième est celle analogue à celle du chou. Il s’agit là d’une odeur provenant de la manipulation de quelques kilog par mois de Méthylmercaptan nécessaires à la fabrication des dérivés sulfurés du Colchicoside. L’exploitation de cette fabrication, du reste très sporadique, vient d’être abandonnée par notre établissement.

La troisième est une odeur de tannerie et c’est vraisemblablement celle qui vient de provoquer une certaine émotion dans la population. Il s’agit de l’odeur dégagée par la production de quelques centaines de kilos par mois d’un nouvel intermédiaire : l’ester éthylique de l’Acide Hexahydrobenzoïque, autrement dit l’Hexahydrobenzoate d’éthyle.

Cette substance est nécessaire pour la préparation d’un nouveau médicament de synthèse qui va bientôt apparaître sur le marché sous le nom d’Endogine (c’est un fertilisant non stéroïdien.

(…)

Nos services de fabrication et de sécurité ont déjà mis en œuvre des méthodes permettant de limiter considérablement les émissions de ces traces de vapeur et l’effet s’en fait sentir depuis quelques jours. Ils poursuivent leur tâche et amélioreront encore les performances de leurs appareils. De plus, nous sommes sur le point de trouver un fournisseur qui nous délivrera le dérivé que nous synthétisons à l’heure actuelle, ce qui aura pour conséquence de supprimer radicalement la nuisance causée par la fabrication de cet ester.

En ce qui concerne l’émission de vapeurs colorées en rouge, il s’agit de vapeurs se dégageant de l’attaque d’un métal par l’acide nitrique. Ces vapeurs sont rapidement détruites dans l’atmosphère et ne représentant aucun caractère dangereux.

Nous étudions depuis très longtemps le pb de la destruction de cet effluent atmosphérique et y avons déjà consacré d’importantes études. Il s’agit là d’un problème ardu en sujet duquel nous ne désespérons pas d’aboutir.

Pour ce qui est de vapeurs blanches, la majorité de celles-ci sont constituées par de la vapeur d’eau. Il arrive parfois cependant que des traces de vapeur d’acide chlorhydrique se combinent avec des traces d’ammoniaque notamment lors de la livraison de ces matières premières par camion-citerne. Il s’ensuit un léger brouillard blanchâtre absolument anodin, mais qui peut inquiéter certains de nos voisins.

L’arrêt de la fabrication de l’Hexahydrobenzoate de méthyle qui, lors de l’envoi de cette lettre, était seulement prévu, est effectif depuis le 30 juin. Le produit arrive désormais tout préparé d’une usine de la région parisienne.

Il semble donc que la cause principale des plaintes a disparu. Cependant, les plaignants ne désarment pas. Lors de la réunion de Trévoux, le 21 août, plusieurs participants ont affirmé avoir ressenti « l’odeur » à plusieurs reprises, après le 1er juillet, quoique avec moins de fréquence et d’intensité qu’auparavant.

Il n’est pas possible de savoir s’il s’agit bien de la même odeur et, le cas échéant, d’où elle émane. En tout cas il est exclus qu’elle soit issue de l’usine puisque le produit litigieux a cessé d’y être fabriqué. Les mêmes odeurs avaient d’ailleurs été signalées auparavant à des jours et des heures où toute activité était arrêtée dans l’usine Roussel, par exemple, certains dimanches soirs.

Par ailleurs, les émanations nauséabondes ne manquent pas dans le secteur. Il m’a été donné d’apprécier celles de la station d’épuration de Couzon, et l’on m’a signalé celles de diverses usines ou dépôts d’immondices, celles des basses eaux de la Saône, des épandages agricoles, de certaines tueries de volailles, etc.

En résumé, après avoir recueilli divers témoignages et enquêté à l’usine même, il ne m’est pas possible de donner un avis péremptoire. Toutefois, je crois, qu’actuellement du moins, les activités de la Sté Roussel Uclaf ne sont pas génératrices d’émanations dangereuses ou insalubres. Quelques émanations incommodes lui sont imputables, mais elles ne sont pas fréquentes et conservent un caractère accidentel.

Un modus vivendi devrait s’établir entre l’usine et les plaignants. D’ailleurs, à l’invitation de la Direction, M. Berthillier et le docteur Cottraux doivent visiter l’usine Roussel mercredi 2 septembre. Ils espèrent pouvoir se faire accompagner du docteur Violet. A leur demande, je compte participer moi-même à la visite et j’espère que M. Bergier, ingénieur sanitaire, qui s’intéresse aussi à la question pourra y prendre part.

L’inspecteur des éts classés

 

 

77 – Agrandissement de l’usine d’incinĂ©ration des ordures mĂ©nagères

72 – Espaces verts. RĂ©alisation de jardin, usine d’incinĂ©ration

52 – Usine d’incinĂ©ration des ordures mĂ©nagères

Courrier de l’ingĂ©nieur des Mines au sujet du groupe de travail « Emissions industrielles »

Lettre de l’ingénieur en chef des Mines à Madame Claudine Lange, attachée, professeur coordination générale, préfecture, 20 avril 1971
Objet : action pour l’environnement dans le département du Rhône. Groupe Pollution atmosphérique. Sous-groupe : émissions industrielles
« Le sous-groupe : émissions industrielles dont je suis l’animateur s’est réuni le 25 mars 1971 et a décidé de créer trois commissions de travail dont je vous rappelle ci-après les objectifs et la composition :
1e commission :
Objectif : dresser l’inventaire – par commune – des rejets polluants dans l’atmosphère en se limitant à SO2, CO, poussières, probabilités d’odeurs et polluants particuliers.
Composition : animateur : M. le professeur Joubert
Membres : Directeur de l’ALPAVE ou son représentant, M. Bergier, ingénieur sanitaire DDASS, professeur Perrot, M. Ory, ingénieur chimiste
2e commission :
Objectif ; rechercher les mesures propres à réduire les nuisances des usines existantes en matière de pollution atmosphérique
Composition : animateur : M. le professeur Chambon
Membres : M. le professeur Joubert ; M. le professeur Gelin ; M. Ory ingénieur chimiste, M. Sarteur du centre de recherche Elf ou son représentant ; M. Favière du GIL
3e commission :
Objectif : prospective pour l’implantation d’usines dans l’optique de moindres nuisances (zones industrielles, aménagement de sites, destruction de déchets)
Composition : animateur : M. Rivoire de l’OREAM
Membres : M. Soulier, atelier d’urbanisme ; M. le professeur Collombel, M. Favière du GIL
J’ai l’honneur de vous indiquer que la prochaine réunion du sous-groupe Emissions industrielles aura lieu le 29 avril 1971 (au lieu du 22 primitivement prévu).
Pour l’ingénieur en chef des Mines, l’ingénieur des TPE délégué, H. Agacinski

Article « Le pyralène, une histoire qui s’achève ? », Le Progrès, 6 septembre 1989

« Le pyralène, une histoire qui s’achève ? », Le Progrès, 6 septembre 1989
C’est le 29 juin 1986, qu’éclatait à Villeurbanne, puis dans toute la France, l’affaire du pyralène. Frappé par la foudre, un transformateur situé à Cusset, s’enflammait et laissait échapper le fameux produit hautement toxique contenu dans ce type d’installation électrique. Les déchets n’ayant pu être traités de suite dans l’usine ad hoc, avaient alors été stockés sur le site du chemin de Pierrefrite, proche de l’usine EDF en bordure du canal de Jonage. Au grand dam des habitants de la cité et de Cusset en particulier, qui redoutaient la pollution. Que tous soient désormais totalement rassurés. Le 29 août dernier, Mme Roussy, adjointe chargée de l’environnement, accompagnée de Mme Frezet, première déléguée et de M. Borius, secrétaire général, ont pu constater l’absence totale de tous déchets et de pyralène bien sûr dans le dépôt de Cusset. Le nettoyage a dû avoir lieu très récemment puisque des déchets étaient encore entreposés en juillet dernier et qu’une quarantaine de tonnes étaient encore présents voici un an.
L’affaire n’est pas totalement réglée pour l’instant. Les autorités municipales avaient repoussé les conclusions de l’enquête publique et le préfet devra se prononcer en novembre, vraisemblablement dans le même sens.
Du côté de l’Hôtel de ville, on reste vigilant.

Mots clés : Pyralène, PCB, Villeurbanne, accident/catastrophe, Canal de Jonage

L’usine dans l’espace francilien